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jardins secrets
1 avril 2006

Bonjour, je m'appelle Alain Sudre et je viens

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Bonjour, je m'appelle Alain Sudre
et je viens vous rendre visite avec
quelques uns de
mes écrits.

Depuis quelques années je me consacre à l'écriture et, comme vous le savez certainement, il est très difficile de recevoir des critiques de la part des éditeurs et ainsi de savoir si l'on intéresse

viens de commencer un roman, Jardins Secrets, et je sollicite quelques avis. L'anonymat permet la sincérité.

Mon style est surréaliste et j'apprécie l'absurde, vous le comprendrez rapidement.

Aujourd'hui je vous offre le premier chapitre, ensuite vous pourrez suivre l'avancée de l'histoire. Nous la découvrirons ensemble. Ne soyez pas trop pressés, mon rythme de travail est de quatre ou cinq pages terminées tous les deux jours.

Je vous remercie du fond du coeur de vos critiques.

BELLE JOURNEE

  Le radio réveil se met à raconter sa vie en sourdine. Le délicieux ronron m’éveille délicatement. Encore embrumé par les vapeurs de vin d’hier soir, je m’étire d’un bras gourd. La journée promet enfin d’être belle, j’en ai le doux pressentiment. Un rai de soleil coquin traverse la fente de la persienne rose à étoiles vertes et vient me tapoter l’œil d’une chiquenaude amicale.

  Belle journée, je monte le son de la radio pour mieux entendre les nouvelles du jour. Le journaliste, excité comme jamais, annonce la victoire certainement décisive, importante tout du moins, de nos braves petits soldats. L’ennemi a perdu sa plus grosse usine de fabrication de virus transgéniques hier à vingt heures dix-huit. Au travers de ses mots décousus par l’émotion, je comprends que le journaliste parle d’un bombardement chirurgical. Nouveau mot pour dire qu’il n’y a pas eu trop de dommages collatéraux, expression récente également. Seuls le veilleur de nuit et ses quatre chiens ont été tués… et un bébé incidemment en villégiature dans la région. On a juste retrouvé un sein proprement sectionné dans la bouche du bambin, y avait-il une mère accolée à ce sein ? Mais peut-être est-ce là de la désinformation purement inamicale.

  Excellente journée, la semaine dernière ils avaient enfin réussi à éradiquer la peste bubonique, les dernières carcasses calcinées fument encore derrière les abattoirs municipaux. Paraît même que le dernier sidéen vient d’être incinéré, mais il ne faut pas donner un blanc-seing à tous les délires des journalistes assoiffés de prix pouvant les faire sortir du lot. Pour en être certain il faudra tester toute la population d’ici à trois mois, à mon avis il y aura encore de la viande humaine à griller et les fabricants de filtres anti-odeurs pour les masques ne sont pas prêts de mettre la clef sous la porte.

  Comme chaque matin, je regarde autour de moi et j’essaie de discerner les évolutions nocturnes de ma chambre. Aujourd’hui, elle est souriante. Les photographies, habituellement en noir et blanc, ont décidé de se parer pour la journée des couleurs du prisme. Mon vieux fauteuil en cuir vert largement dépassé, s’est appuyé complaisamment du coude sur la table recouverte de linoléum et le grille-pain a commencé à la débarrasser de ses restes datant, pour les plus anciens, de trois jours. Les vers jaunes dansent un tango voluptueux sur les épluchures de topinambour et le vin d’hier restant dans mon verre expulse ses morceaux de bouchons dans des rots guillerets. Eructation sonore et enfin mélodieuse. Même le miroir déformant la vision de mes murs me plaît en cette bonne journée. Joyeux comme tout, je décide donc de me lever aujourd’hui et de me préparer un bon café. Comme il est mardi, je le boirai encore sans sucre. Depuis une semaine aucun bateau de ravitaillement n’a réussi à franchir le blocus ennemi, leurs barcasses s’amusent à éperonner nos cargos en bois de récupération, souvent pourri. Il n’est pas important de ne pas avoir de sucre, le café est lui-même un ersatz. C’est de la bonne vieille chicorée de grand-mère. C’est un peu amer, mais tout de même agréable cet après-midi. Tout devient bon par une belle journée.

  Après avoir avalé mon café et fait ma crotte, il est temps de me préparer pour aller saluer le monde extérieur. Je me rase en chantonnant un vieux tube de l’été d’avant la guerre. Pour une fois j’évite fort habilement mon poireau et tresse ensuite coquettement les poils de celui-ci. Même en période troublée, la bonne fortune peut se croiser au détour d’un champ de mines. Surtout une si bonne journée. Pour paraître plus luisant, je me tartine de sperme d’âne. La crème de lait de vache est interdite depuis les nouvelles maladies.

  Le haut étant paré, il est grand temps de s’occuper du bas. J’ouvre mon réfrigérateur aménagé en penderie et réfléchis longuement avant de choisir une tenue en adéquation la plus idéale possible avec mes rêves de femelles enjouées de me rencontrer. Après avoir longuement tergiversé, j’opte pour ma plus belle chemise, la bleue avec des épaulettes. Certes elle fait un peu militaire, mais c’est la moins tachée. Pour le kilt, je n’ai pas le choix, il m’en reste un seul. Je me vêts en dansant et en dégustant un topinambour sérieusement braisé sur la grille de la cheminée.

  Je sifflote gaiement en me pomponnant, ce sera assurément une belle journée. Avant-guerre, j’aurais joué au loto avec espoir et un ami. Mais ils nous ont supprimé le rêve. Plus de jeux de hasard, ont-ils dit, c’est malsain pour la santé de l’âme ont-ils affirmé. Cela dit, ils n’ont pas encore été capables de nous définir ce qu’était ce principe spirituel de l’homme, conçu comme séparable du corps, immortel et jugé par Dieu. Pour un gouvernement si emprunt d’opus dei, je trouve cela un peu léger. La dictatrice de femme de notre président pourrait sortir de sa coquille et nous fournir quelques explications, à nous la plèbe. Un dernier trait de khôl sous l’œil droit et je suis enfin prêt. Je vérifie l’état des lieux dans le miroir de l’entrée avant de sortir. Un peu abîmé, mais pas mal tout de même. Un bras de plus et tout aurait été parfait. Mais ne soyons pas mesquin, beaucoup de nos braves soldats en manœuvres rêvent certainement de pouvoir se tenir sur leurs deux jambes sans l’aide de béquilles comme je suis capable de le faire. Et puis, par chance, mon visage n’est pas encore trop dévasté par les privations et le manque de vitamines vitales.

  La vérification narcissique accomplie, il est temps de sortir de mon loft. Je retire les caisses en bois bien utiles pour obturer le chambranle, j’ai vendu la porte électrique il y a belle lurette afin d’acheter une dizaine de kilos de topinambours et un peu de bois pour les faire griller. Le topinambour de Bretagne, le meilleur, n’accepte d’exhaler ses saveurs que quand il est grillé sur un feu de bois allègre, avec un peu de thym pour le parfumer et pour aromatiser la pièce également. En période de disette, je suis bien obligé de les manger crus, mais juste quand la faim est trop cisaillante. Ces jours là ne sont pas de bonnes journées.

  Je saute sur le palier inférieur sans utiliser la corde à nœuds, les marches couardes se sont enfuies dès les prémices de la guerre. C’est une belle journée je vous dis ! Quand ma plantation clandestine de topinambours sera arrivée à maturité, je pourrai en échanger le produit contre quelques marches. Folie des grandeurs, quand tu nous tiens !

  Enfin, me voilà dans la rue, excepté un clochard harmonieusement halé, elle est vide. Ma boussole m’intime l’ordre d’aller vers le nord. Comme elle manque de fantaisie, je préfère choisir le sud, sud-est. Au moins la rue descend et puis je préfère aller dans la direction de mon connu. Je saute allègrement à cloche pied par dessus les trous de mines. Mais oui, c’est bien ça, la journée est réellement magnifique. Beau temps pour trouver une compagne, beau temps pour flâner. Que faire d’autre ? On ne donne plus de travail aux manchots. Sale époque tout de même.

  A l’emplacement de l’épicerie de Mehdi, envolée dans les airs la semaine passée, dommage Mehdi était un chic type chez qui l’on pouvait tout trouver sans dépenser excessivement, on a installé une scène sommaire. Quelques caisses de fusils de collection et un filet de protection pour éviter de recevoir des grenades mécontentes. Aujourd’hui un groupe de percussionnistes énervés tape sur des obus désabusés. Le petit soliste chauve est vraiment amusant avec son frac trop grand, il n’arrête pas de se prendre les pieds dans la queue mais sans jamais tomber. Il a sans doute fait l’école du cirque. Quelle tristesse, cinq années d’études intensives pour terminer ainsi dans la rue. Ses compères, des jumeaux, ne sont là que pour la décoration. Ha, si j’étais une femme… Les obus datent de la grande guerre, mais la musique est écoutable. Les résonances désuètes la rendent distrayante. Je préfère les mélodies anciennes à la cacophonie imposée aujourd’hui, elle est devenue trop synthétique par la faute de l’usage de l’uranium appauvri. J’écoute un peu en me dandinant d’une jambe sur l’autre, je n’ai jamais été un danseur d’exception, et me fends d’un topinambour que je dépose dans le panier à salade en pleurs d’être toujours vide. Humeur badine oblige. Et oui, je sors toujours avec une dizaine de topinambours sur moi, on ne sait jamais. Et puis qui oserait agresser un unibrassiste, sans doute héros de la guerre ? En fait tout le monde en cette période d’irrespect total. Mais je parais très pauvre, alors je peux fanfaronner avec mes petits topinambours.

  Comme j’ai payé, je reste encore un peu, seul spectateur de cette musique pour vieux. Les autres, ceux de mon âge, sont morts ou enfermés dans des asiles sans aucun bruits harmonieux. Puis, un peu lassé de ne pas entendre autre chose que des reprises, je reprends mon chemin guilleret en jetant des pierres devant moi afin de faire éclater les éventuelles mines oubliées là par des artificiers coquins, on n’est jamais suffisamment prudent. En chantonnant, j’arrive au champ de poireaux de Jean-Marc. Des cris semblent en émaner. Interloqué par ce sans-gène, je décide d’aller y mettre un peu d’ordre. Je suis obligé d’écarter les feuilles jaunies des légumes pour trouver mon chemin, après bien des efforts je finis par arriver dans une sorte de petite arène végétale. Cernés par une foule captivée, quatre jeunes fakirs s’y défient au yatagan. Ils se toisent du regard en tournant et en coupant les fanes des poireaux. Parfois un nez trop curieux gicle sur le sol rebattu. C’est un peu trop rétro pour moi, mais je suis tout de même un homme et la vue du sang n’a jamais fait de mal à personne. Alors je regarde un peu et m’éclipse avant que le survivant ne fasse passer le cercueil pour la quête. Il n’y a là aucune création, cela ne vaut même pas un quart de topinambour.

  Il est temps de continuer à visiter ma rue, elle change si souvent d’aspect en ce moment. Entre les bombardements et les reconstructions sauvages, j’ai souvent l’impression de n’être plus dans la même ville. Il est dommage que je n’aie plus d’appareil photo, j’aurai pu témoigner une fois la guerre finie. Je pourrais faire des croquis, mais c’est assez difficile avec un seul bras et puis je n’arrive plus à dessiner depuis qu’il n’y a plus de nuages dans le ciel, ils étaient ma seule inspiration.

  Un chien mal peint, enfin bringé, vient me tirer par ma corde à nœuds. Que me veut-il ? Il semble sympathique et je suis d’humeur fêtarde aujourd’hui, alors je décide de le suivre sans le questionner. Tout à l’heure j’ai cru entendre des râles et je pense qu’il m’emmène vers eux. Au détour de l’immeuble de Dédé le Klepto, il s ‘arrête et s’assoit. Essoufflé par tant de célérité, je le rejoins sans m’agenouiller pour respirer. Ce chien a raison, une blonde est en train de se faire violer sur le trottoir par des hommes sans cheveux, sans doute des cancéreux en permission diurne, les plus rares. C’est un tel enchevêtrement de membres que je n’arrive pas à compter combien ils sont. Par contre j’ai tout de suite reconnu la femme, c’est Céline ma voisine du dessus. Le chien, bonne âme, m’apporte un pliant pour jouir sans me fatiguer de cet intéressant spectacle. Je connais Céline depuis fort longtemps et je la pensais très introvertie. Jamais elle n’acceptait de partager son corps quand la lumière était allumée. Mais là je suis étonné, elle crie bien, elle griffe aussi. Comme quoi il faut toujours éviter de s’arrêter aux premières conclusions. Pas mal. Presque confortablement assis, je tape de la main en rythme. Attirée par le bruit, Céline m’a regardé. Elle me semble rageuse d’avoir été reconnue. Alors elle griffe une dernière fois et s’éteint aussitôt. Demain elle me racontera certainement, mais aujourd’hui je suis satisfait et je dépose trois topinambours dans la sébile, tant pis si la disette s’ensuit les jours prochains.

  Je vous avais prévenu, c’est une belle journée.

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Commentaires
N
J'apprécie beaucoup la créativité et l'absurde.le zeste de cruauté aussi.beaucoup moins l'épisode de la blonde.Ma limite, sûrement.<br /> <br /> Reviendrai lire la suite, car l'essentiel sera de comprendre où vous voulez aller et si ce ton à priori plaisant débouche sur une solide histoire, fut-elle truffée d'incongruités. Boris Vian vous est-il indifférent ?
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